François Morellet, “1926-2006” Récentes Fantaisies au Musée des Beaux Arts d’Angers
François Morellet, ce chercheur intarissable, nous propose une superbe exposition, ou plutôt une superbe PROPOSITION, car l’artiste nous offre à nous, spectateur, le plus beau des cadeaux, celui de l’imagination, de l’évasion intime, à la simple vision de chacune des pièces présentées.
Un excellent catalogue accompagne l’exposition , avec, notamment le texte passionnant de Erich Franz, Directeur du Westfalisches Landesmuseum, intitulé “L’impossible fixation du regard” où il développe cette idée de l’oeuvre de Morellet qui “construit le processus constructif lui-même” et évoque “la liberté de cette vision active” et de “la tension visuelle qui naît de projections contradictoires sur le visible”. Les propos de Morellet y sont également judicieusement sélectionnés : “– Une expérience véritable doit être par contre menée à partir d’éléments contrôlables en progressant systématiquement suivant un programme. Le développement d’une expérience doit se réaliser de lui-même, en dehors du programmateur” 1962, dans “Pour une peinture expérimentale programmée” ; ou encore “- le spectateur n’ultilise l’oeuvre d’art que pour y fourrer ce qu’il apporte lui-même, son propore pique-nique” 1971. Un très bel hommage.
En revanche, un autre texte me laisse pantoise…Il s’agit d’un texte écrit par Lynn Zelevansky, du Couty Museum of Art de Los Angeles, intitulé ” 4 trames, François Morellet à la croisée des chemins” (4 grids: François Morellet at the crossroads). Il s’agit du titre d’une toile de Morellet qui se trouve au County Museum. Mme Zelanvsky nous la décrit sur une longue page et demi (p. 14,16) en omettant de citer sa date de création -1958- tout en la comparant à une oeuvre de 1972, de Sol LeWitt, permettant de fait d’inscrire habilement Morellet dans un cadre plus vaste de recherches identiques, incluant des artistes du continent Nord Américain.
Suit une page et demi sur Sol LeWitt justifiant et dédouannant celui-ci d’avoir produit 14 années plus tard des oeuvres rigoureusement identiques, puis l’auteur termine ainsi : ” – N’empêche, les similitudes entre ces oeuvres sont loin d’être insignifiantes. Leurs méthodes et leurs enjeux s’incrivent dans une thématique intellectuelle et esthétique qui a occupé les artistes des continents européens et américains de l’après-guerre” Le propos est cohérent mais la proposition irrecevable lorsque autant d’années séparent les recherches… il faut, à un moment donné, admettre l’extraordinaire avant-gardisme de François Morellet. D’autant plus que, pour qui connait le parcours magnifique de Sol LeWitt, il n’y a rien de déshonorant à admettre la notion de copie – l’histoire de l’art n’est faite que de cela, les très grands ont tous cherché à comprendre leurs aînés et la copie fait partie de cette démarche – Sol LeWitt a ensuite poursuivi un chemin passionnant et lui aussi optiquement obsessionnel qui suggère une authenticité de démarche.
Mais l’auteur ne s’arrête pas là et enfonce le clou avec une comparaison plus ambigüe encore, avec Frank Stella, sur deux pages et demi (p.18,20,22). Là, le style même du texte sert une habile assimilation, qui décridibilise tout à fait le Conservateur : “- Dans les années 50, il (Morellet) recourt à des méthodes scientifiques…pour réaliser des peintures obéissant à ses propres systèmes, anticipant les configurations qu’élaborent Frank Stella quelques année après” Stella n’aurait donc pas essayé d’étudier l’art concret, c’est Morellet qui a anticipé sur Stella. La tournure même de la phrase, ce therme “anticiper” créent une désagréable impression de hirarchie suggérant que l’oeuvre de Stella serait plus importante que celle de Morellet. Pour qui connaît l’oeuvre de Frank Stella, il semblerait que ses travaux sur l’art concret n’aient été qu’une opportunité, et ne correspondent pas à la recherche obsessionnelle réelle qui habite habituellement les artistes, Stella ayant changé de cap quelques années plus tard vers d’autres opportunités n’ayant absolument rien à voir avec l’art concret..
La question se pose : pourquoi autant d’ambigüité ? pourquoi ne pas admettre que Morellet est un précurseur, simplement. Est-ce si vexant d’admettre que dans ce domaine de l’art concret c’est l’Europe qui en détient les meilleurs chercheurs (avec Max Bill -Suisse-)? nous autres européens n’hésitons pas à admettre la suprématie de certains peintres, sculpteurs Nord Américains Fondateurs. Serait-ce là aussi “le marché” qui s’immisce pour en oublier de rendre l’hommage qui s’impose ? car l’ambiguité du propos n’est pas seulement gênante d’un point de vue de la chronologie dans l’histoire de l”art. L’assimilation de l’antériorité jusqu’à en arriver à diluer les origines permet de raccrocher tout un pan d’artistes ensemble et de faire “monter” les prix des uns en se raccrochant à la locomotive Morellet.
Dans la mesure où les textes restent c’est assez regrettable qu’il figure dans ce catalogue qui se fait l’echo d’une si magnifique exposition.
Beatrice chassepot – 31 août 2006
Site à consulter: https://francoismorellet.wordpress.com/oeuvres/
“François Morellet 1926-1906 etc..récentes fantaisies” publié par le Musée des Beaux Arts d’Angers