FIAC 2007, un excellent cru

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Pour sa 34ème saison, la Fiac affichait elle son ambition : “à nous l’Amérique” ? sur la couverture du catalogue -ci-desssus- : une photo de la statue de la liberté suspendue horizontalement par deux cordes dans un hangar aux portes fermées, comme symbole d’une Amérique affaiblie qui laisserait le champ libre à l’Europe ? à moins qu’il ne s’agisse de l’original de la statue qui est lui, est bien français…who knows ??

Symbole pour symbole, le fameux “n’ayons plus peur” de Jean Paul II était peut-être plus justement ce que l’on ressentait dans toutes les travées de la Fiac. L’usage pour les Salons de réserver des pièces pour créer l’événement, Bâle étant LE lieu où les plus belles sont jalousement gardées pendant l’année et montrées.

Pour cette 34ème édition, les galeries européennes ont exposé leurs meilleures oeuvres atteignant presque le niveau de Bâle, et non les seconds choix habituels, signe de leur volonté de faire monter la Fiac d’un cran. Les stands étaient majoritairement très bons, à tel point que, les galeries américaines prestigieuses qui faisaient leur come back à Paris paraissaient pâlichonnes.

Plus de galeries étrangères, des coupes franches avec certaines habituées, une stimulation certainement due aux salons périphériques qui oblige à faire mieux. Tous les éléments étaient réunis pour que nous nous régalions.

GRAND PALAIS ET COUR CARREE DU LOUVRE

 

 

Les-plus-belles-pièces

# 1

Parmi les belles envolées, la galerie française de Georges-Philippe & Nathalie Vallois avait réservé pour la foire des pièces sublimes : deux grands acryliques sur calque de Gilles Barbier qui nous offre un tourbillon de rubans avec une dynamique, un mouvement qui nous donnait envie de les attraper pour les empêcher de s’envoler. Sur le ruban, un texte extrait de l’auteur australien Greg Egan qui si l’on prend son temps donne un sens supplémentaire à cette excellente prouesse de composition.

GILLES BARBIER – 2007 – A story on one ribbon Acrylique sur calque polyester – 140 x 250 cm Collection privée. Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris

 

# 2

Toujours chez Vallois, les deux photos d’Alain Bublex qui a génialement copier/coller des logos de grandes marques de luxe sur des quartiers du Louvre-Opéra et de la Place Vendôme. Le principe a déjà été fait mais ici le propos est de reprendre l’idée de Le Corbusier sur “le plan voisin” “Il prolonge ainsi en images ce qui est resté à l’état de projet, et ses vues du Plan Voisin font apparaître le centre de la ville expulsé vers la périphérie comme une succession de bretelles pluvieuses, au coeur desquelles des enseignes aux néons gigantesques se disputent l’attention de l’automobiliste.” La composition nous permet une lecture multiple vraiment intéressante.

ALAIN BUBLEX – 2007 – Plan Voisin de Paris – V2 circulaire secteur 25 (Place Vendôme) Épreuve chromogène laminée diasec sur aluminium – 170 x 225 cm – Édition de 3 Collections privées. Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris

 

# 3

“Marcel” Pierre_Ardouvin-2007, système sonore et lumineux, bois et métal 3,50 m x 3,50 m x 1,90 m courtesy galerie Chez Valentin

 

Sans hésiter encore, une pièce majeure. Celle qui était proposée au prix Marcel Duchamp -photo ci-dessus- présentée à la Cour Carrée : le prénom de Marcel Duchamp en immenses lettres d’or qui tournent sur elles mêmes sur un podium de “star” avec tous les attributs : surélevé, des spots, et la chanson de Dalida qui passe en boucle “moi je veux mourrrir sur scèneeee devant les projecteurrrrs….” C’est un raccourci de ce tout qu’était Duchamp qui, pour briller, pour exister (notamment face à son frère, peintre), a exploré des pistes nouvelles, presque par dépit, puisque la peinture de ses débuts avait été jugée mauvaise par ses pairs* .. Après cet épisode de rejet blessant pour lui, son esprit génial est parti dans des terrains en friche et il a ouvert la voie à tous ceux, ou presque, qui font le marché de l’art aujourd’hui.

* ” (…) Lorsqu’on demanda plus tard à Duchamp pourquoi il abandonnait la peinture, il répondit que cela était fondamentalement dû au rejet de son “Nu descendant un escalier”, au Salon des Indépendants de 1912 (…) Duchamp trouva immédiatement leur attitude “exécrable”. Cet événement “lui donna un choc” etc… extrait de “Marcel Duchamp, l’Art à l’ère de la reproduction mécanisée” de Francis M.Naumann chez Hazan

Très près dans le palmarès, un jeune moscovite que l’on trouvait à la Moscow Gallery, Alex Buldakov qui présentait une petite vidéo -ci-contre- à la fois intelligente et inénarrable. L’artiste reprend les “classiques” du suprématisme russe, autrement dit le summum du nihilisme, de la négation du monde tel qu’il est, et en anime les formes, -rectangle, cube, cercle- pour reproduire des scènes d’amour avec gémissements et mouvements ! autrement dit il nous plonge au coeur de ce qu’il y a de plus réaliste avec des oeuvres sensées ignorer toute réalité. Excellent.

 

Une réflexion semblable sur ses pairs, chez Saâdane Afif, Galerie Michel Rein, avec un panneau d’autoroute vierge qui contient beaucoup plus de sens qu’il n’y parait, comme toujours avec les artistes de la galerie.

 

L’anglaise Lisson gallery se risquait à un one man show…magnifique ! de Julian Opie qui lui a consacré la totalité de son espace. Voilà une bonne re-découverte de l’artiste qui, après quelques années un peu essoufflées, nous montre une production renouvelée, une figuration minimaliste admirable, vidéo comprise.

Dans un autre genre, la sculpture -ci-contre- de Wang Keping chez Zürcher, était la quintessence de l’équilibre qu’il faut trouver entre le matériau et le sculpteur.

Ici rien n’est en trop. Le matériau, un tronc d’arbre, est magnifié, très peu “touché” par l’homme mais suffisamment pour lui donner sens.

Les interventions du sculpteur quand elles existent sont telles que l’on se demande si c’est naturel ou non. Rien à voir non plus avec les sculptures primitives c’est encore autre chose. Une perfection courtesy galerie Zürcher clik

 

Très fort pouvoir d’évocation avec cette photo en noir et blanc de Romy Schneider par Gregor Hildebrandt, avec, discrètement posées sur le côté, des bandes magnétiques, qui laissent imaginer la voix, les sanglots de la comédienne.
Gregor Hildebrandt chez Almine Rech clik

 

Autre très bon travail, celui de l’américaine Nicole Cohen qui nous propose des photographies de rappeurs en surimpression dans un décore de château de Versailles. Les rappeurs sont parés de leurs signes de richesse et de reconnaissance, bracelets, bagues, colliers, signe de tribu tout comme Louis XIV le faisait avec ses signes à lui, l’apparat du château, parallèle amusant. A voir à la galerie parisienne la B.A.N.K.

Marco Noire Gallery nous présentait un stand entier avec les photos du groupe AES+F toujours aussi impressionnantes grâce à des compositions précises et une franchise dans l’intention qui, du coup donne cette distance qui fait que l’oeuvre est acceptable au regard. Les oeuvres sculptées n’ont pas encore la force des toiles, mais à suivre sûrement.

 

Spectaculaire

L’excellent oeil Suzanne Tarasieve nous proposait un stand impressionnant avec les tatoues et le robot…(déjà bien vu lui) de Jean Luc Moerman et d’excellentes grandes toiles de Tobias Lehner.

 

Chez Chantal Crousel, un imposant double escalier de Hirschorn. On a une meilleure appréciation de l’artiste depuis son exposition totale dans la galerie la saison passée (il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis dit-on..) mais il est meilleur quand on lui laisse un espace complet pour lui seul, où il peut prendre, et nous donner, tout son sens et sa force.

 

Renouvelé

 

Jaume Plensa que l’on avait trop vu avec ses sculptures/mots, nous présente chez Albion une sculpture de verre composée de membres tronqués et posés sur un support assez bas et chacun emplit de liquide évoquant le sang.

 

Déception

avec le collectif Claire Fontaine, qui montre une production inégale, un peu trop tous azimuts.

 

Coup de colère

Cette année, trop de galeries à vocation contemporaine n’ont pas hésiter à nous “fourguer” leur stock de pièces contemporaines très anciennes (1998-1996 etc?) d’artistes qui ont monté. Que les galeries d’art moderne le fassent, c’est évidemment normal, mais que les noms contemporains d’artistes, voire très contemporains nous soient proposés en grand nombre, à des “prix-après-culbute”, cela dévoie l’esprit de risque lié à une foire d’art contemporain où, à la fois les galeries ET les collectionneurs prennent ensemble les risques. La vie d’un salon, l’émulation naît de là : ensemble, on a cette trouille vissée au ventre de se dire que l’on a peut-être raison mais que l’on a peut-être tort. C’est un des secrets de la réussite de Bâle, les galeries présentant des pièces anciennes d’artistes très contemporains, sont dans un secteur bien particulier du salon et ne sont pas très nombreux et la majeure partie du salon présente du “frais”. Frieze qui marche bien aussi présente majoritairement des pièces récentes.

 

Excellents papiers

Excellents dessins et aquatintes de Tony Cragg un peu partout mais quatre excellents chez Thaddaeus Ropac. Chez Ropac toujours, un paysage de Alex Katz vraiment réussi (comparé à celui vu à Frieze, lire compte rendu) où il a trouvé la même vacuité que dans ses portraits, très très impressionnant ;

 

Deux sublimes séries de peintures à l’huile de Robert Devriendt, chez le belge Baronian-Francey et chez le français Loevenbruck, qui gagne encore en mystère et en force en nous proposant un vrai polar en images.

 

 

Les nouvelles séries sont de 4,5,6,8 petites oeuvres. Le format a encore réduit ce qui permet à l’oeil d’aller encore plus vite dans l’histoire et de la commencer et poursuivre comme on le souhaite, incroyable. Ce peintre belge est à mon sens un maître dans le genre, un Georges Simenon ?… à l’huile !! pour de meilleures images clik sur les sites galerie Baronian Francey et galerie Loevenbruck

 

Chez Krinzinger, deux nouveaux Erwin Wurm (vous vous souvenez des fat houses). Ici il s’agit de grandes toiles sur châssis sur lesquelles de gigantesques chandails tricotés ont été accrochés. Assez étonnant comme toujours chez cet artiste qui ne s’arrête jamais d’essayer

 

Chez Nelson – Freeman clik un échantillon de chacun de leurs excellents artistes, comme toujours, Thomas Schütte, Silvia Baëchli, Marie José Burki, Thomas Ruff, mais j’ai une grosse préférence pour leurs expos en galerie, infiniment plus représentatives de la qualité de leurs artistes

 

 

 

 

Chez l’italien Aarte Invenizzi, un peintre qui utilise de façon intéressante l’espace dans la toile, Nelio Sonego

 

 

 

Chez Yvon Lambert, un hommage de Loris Gréaud à Klein qui présentait un coffret de paintball avec des boules de bleu Klein.

 

 

Anne de Villepoix a laissé la place aux frigos de Kadder Attia qui s’épanouit dans les multiples décidément. à droite “skyline” 2007

 

 

 

 

Chez Polaris, de très marrantes petites maisons de laine bouillie de Laure Tixier et 3 très beaux dessins de Christian Lhopital.

 

Chez le Hollandais Ron Mandos, une découverte avec une artiste hollandaise qui fabrique des bustes et personnages avec des peaux cousues, très impressionnants. Et de nombreux fameux portraits Katinka Lampe.

 

 

 

 

Chez Aline Vidal, deux Morellet à la finition bâclée, rarissime chez l’artiste, c’est bizarre et dommage.

Waddington galleries nous proposait une magnifique fresque sans fin de Rauschenberg (à gauche) mais de 1989 et un Barry Flanagan avec un ballon de rugby.

En pleine coupe du monde de rugby cela s’appelle de l’opportunisme arty …c’est tout

 

Chez la française Anne Barrault Guillaume Pinard et la fantastique Catherine van Eetvelde

Chez Parker’s gallery, de très belles oeuvres peintes sur verre avec aspect photographique, de Stephan Sehler et un nouveau sujet en plus des arbres et feuilles connus, une très belle montagne rose. Troublante comparaison si l’on s’amuse à rapprocher le travail de James Welling dont la technique n’est que photographique pour des sujets identiques?.

 

 

Toujours excellents les toiles des indiens Tukral et Tagra chez Metropolis.

 

 

 

Pour finir, je ne peux m’empêcher de déroger à notre sacro sainte règle de n’évoquer que l’art contemporain pour vous signaler de magnifiques Freundlich de 1931 et 1938 chez la galeriste française Lahumière.

Très bel effort de l’ensemble des acteurs, galeristes, artistes, organisateurs, mais les collectionneurs ? Il semblerait que le salon ait « bien marché ». Si c’est confirmé, c’est une chance, car les collectionneurs frontaliers, espagnols, suisses, italiens, anglais, se sont massivement décommandés à cause des grèves des transports, et les américains ne semblaient très présents. Ce serait, dans ce cas, le signe d’un renouveau du fonds français traditionnel des collectionneurs. Cela se voyait… pas tout à fait les mêmes têtes qu’habituellement- et les galeristes sont passés de l’attitude passive d’autrefois à regarder le chaland, à une attitude extrêmement positive, quasi pédagogique, où sans relâche (12 heures durant, les pauvres..) ils expliquaient inlassablement les oeuvres et leurs artistes.

Les collectionneurs français nouveaux seraient donc arrivés ??

Béatrice Chassepot, Paris le 2 novembre 2007

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