“Mon île de Montmajour” par Christian Lacroix
“Mon île de Montmajour” Commissariat: Christian Lacroix
à l’Abbaye de Montmajour, (5 km d’Arles)
Du 5 Mai 2013 au 3 Novembre 2013
Pour qui a la chance, cet été et cet automne, de visiter Arles, antique cité aux multiples facettes à la lumière éclatante qui inspira tant Van Gogh et Picasso, il est une exposition à ne pas rater. Celle du fils du pays, le couturier Christian Lacroix à l’Abbaye de Montmajour. Insérée dans le cadre de « Marseille/Provence » capitale Européenne de la culture pour 2013, et en parallèle aux Rencontres Internationales d’Arles de la Photographie, l’exposition est une carte blanche à l’immense créateur qui continue de nous enchanter avec ses taffetas brodés d’or.
L’après-midi était étouffante ce 22 juillet, les cigales n’avaient jamais chanté aussi bruyamment l’arrivée de la canicule qui commençait à ramollir nos corps et liquéfier nos cerveaux. A peine un coup d’œil à la somptuosité de ce nid fondé en 948 par des moines bénédictins sur ce qui fut autrefois une île au milieu des marais pour vite pénétrer dans l’antre frais de l’abbaye.
« Mon île de Montmajour » est une ballade au milieu d’œuvres sélectionnées par le couturier au sein de la collection du Centre de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva) et de vêtements et d’objets religieux qui l‘ont inspiré tout au long de sa carrière.

Après un passage par la Crypte (images ci-dessus) l’exposition se poursuit par l’Eglise avec l’installation remarquable de plusieurs pièces à fort pouvoir symbolique.

La plus spectaculaire est celle de Lang/Baumann Beautiful Steps #4 (2009) faite d’un tronçon d’escalier sinusoïdal qui s’envole dans les cieux, et, juste au-dessous de l’esprit, la chair et la souffrance humaine symbolisée ici par des boules de verre soufflé couleur rouge sang ; une magnifique pièce de James Lee Byars Le Petit Ange rouge de Marseille (1991/1993).


Sur chacun des murs collatéraux une grande toile de Gérard Traquandi sorte de saint suaire de couleur noire aux traces blanches faisant écho aux Loukoum rose d’Aziyadé (2006) de Paul Armand-Gette. Une autre histoire se lit avec une mariée immaculée du grand couturier qui côtoie une cage d’oiseau de Jean-Luc Moulène « For Birds » (2012) (ci-dessous)

Malheureusement l’exposition dans l‘Eglise est tellement belle avec cette emphase symbolistequi colle si bien à l’esprit des lieux et du couturier que l’on s’attend à retrouver la même intensité d’émotion dans la suite de l’exposition, en vain. La beauté des pierres réveillées ci et là par la lumière vive du dehors qui jaillit des meurtrières dans ce parcours labyrinthique qui nous est proposé, engloutit parfois les œuvres comme la série des pots en pâte de verre soufflé à la transparence laiteuse de Robert Wilson (la répétion n’ajoute rien) ou « l’espace raisonné » de Pascal Broccholichi qui n’atteignent pas leurs objectifs.

100×120 cm, Italie 2012
En phase avec le lieu et le parcours il faut souligner les excellentes photos de la série des « invisibles 2012 » de Veronique Ellena https://veronique-ellena.net/portfolio/ présentes dans la salle du Trésor et dans la Salle Capitulaire. Les sans-abris qui cherchent un peu de sommeil emmitouflés dans leurs couvertures au pied des églises ou sur des places et qui se fondent littéralement dans le décor sont bouleversants.
Si ce lieu fortement chargé de son histoire peut révéler les faiblesses de certaines œuvres contemporaines qui ne « passent pas » je vous encourage à le visiter et vous imprégner de cet équilibre parfait trouvé dans l’exposition de l’Eglise qui à elle seule vaut le détour.
BCh, Arles, le 22 juillet 2013